Un pigeon picore un os de poulet.
Une grimace est dessinée sur le visage de l'affiche à l'arrêt du bus.
Une chaise et quelques vieux livres sont jetés par terre à côté du tabac.
Des feuilles de salade jonchent le sol.
Le marché vient de finir, les vendeurs démontent les étals...
Une dame avec deux gros sacs Carrefour marche en faisant des haltes.
Un contrôleur fini sa cigarette, à la dernière bouffée, il écrase son mégot et entre dans le métro.
Un livreur à vélo double une joggeuse en regardant son portable.
Un père essuie la bouche de son enfant dans une poussette.
Un chauffeur a ouvert la fenêtre de sa voiture et m’a regardé.
Les lampes de la rue s'allument lentement.
Un vieil homme ivre assis sur le sol soupire.
Elles sont debout à côté de moi, les bras croisés sous la poitrine.
Après la pluie, l'hiver arrive.
Mes feuilles tombent.
J’habite en France depuis 5 ans. Je suis allée environ 5 ou 6 fois à Belleville. J’ai remarqué les prostituées parce qu’elles se mettent toujours à côté des arbres. Chacune a son arbre. Les arbres s’alignent le long de la rue, elles aussi.
Au début, j’ai voulu enregistrer leurs comportements, mais quand je suis revenue le lendemain avec ma caméra, elles se sont méfiées de moi. Je me suis rendue compte que je leur avais manqué de respect.
Pour mieux les comprendre, je me suis affiliée à l’organisation « Lotus Bus », qui appartient à Médecins du Monde.
Elle vient en aide aux travailleurs-euses sexuels-lles en leur fournissant des préservatifs, un service psychologique, des examens physiques, un service social, la traduction et l’accompagnement pour porter plainte en cas de violences…
Je travaille à l’accueil chaque jeudi après-midi pour aider les prostituées qui demandent de l’aide, je les enregistre et j’indique leurs doléances. J’ai obtenu l’occasion de gagner leur confiance et de communiquer avec elles.
Elles ont des caractères très différents. Il y a des femmes trop timides pour me regarder, et d’autres qui m’ont invité à manger pour me remercier de mon action. Je ne connais pas leurs histoires, leur passé, je les écoute simplement.
Cette expérience m’a beaucoup apportée. Je suis retournée à Belleville et j’ai pris des photos des arbres qui les accompagnent. J’ai enfin obtenu la réponse que j’attendais: auprès de leurs arbres, elles éprouvent un sentiment de sécurité.
Ces arbres, qui représentent la nature dans la ville, voient se dérouler des histoires de vies…
Vue d'exposition à la Galerie Dohyang Lee
75003 Paris
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